Ce mois-ci, j’ai assisté à la conférence “La Corriveau : construction d’une sorcière aux 18e et 19e siècles” donnée par Catherine Ferland au Musée de Pointe-à-Callière de Montréal et c’était passionnant !

Je ne m’étais jamais informée sur l’histoire de La Corriveau et j’avais toujours entendu dire que c’était une femme qui avait tué plusieurs de ses maris, qui avait été condamnée pour sorcellerie et qui avait été pendue puis exhibée dans une cage. Où est-ce que j’ai entendu ça ? Aucune idée ! Peut-être même que je confondais La Corriveau avec La Voisin. Mais grâce à Catherine Ferland, historienne professionnelle, conférencière et spécialiste en histoire culturelle du Québec, j’ai compris la triste histoire de Marie-Josephte Corriveau…
La Corriveau – Le fait divers
Pour remettre un peu de contexte :
- Marie-Josephte Corriveau est née en 1733,
- En 1749, elle se marie à 16 ans et va avoir 3 enfants,
- En 1761, son mari meurt des suite d’une infection,
- En 1761, elle se marie de nouveau avec un homme qui s’avère être violent,
- En 1763, son mari meurt dans son étable des suites d’un coup sur la tête mortel … on en déduira qu’il est mort frappé par un cheval,
Mais voilà que les villageois parlent et doutent : et si cette mort n’était pas un vulgaire accident de cheval? Et si cet homme avait été assassiné?
Pour résumer en quelques mots la suite de l’histoire :
- Un chirurgien sera appelé pour examiner le corps et mettra en lumière que la blessure est trop régulière pour avoir été causée par des sabots de chevaux,
- Une enquête débute et deux personnes seront accusées : Marie-Josephte et son père,
- Lors du premier procès son père sera condamné à la pendaison. Marie-Josephte sera elle condamnée à 60 coups de fouet et à se faire marquer au fer rouge la lettre M sur sa main (M pour Meutrière),
- Mais coup de théâtre ! Le père accusera finalement sa fille d’être la meurtrière,
- Un deuxième procès aura lieu et Marie-Josephte avouera le meurtre,
- Son père sera donc libéré. Marie-Josephte sera condamnée à la pendaison et à l’exposition de son corps pendant 40 jours pour faire passer l’envie à quiconque de tuer qui que ce soit !
La Corriveau – La légende
Le corps de Marie-Josephte est donc pendue et son corps exposé durant 40 jours dans une cage qui est suspendue aux croisements d’un chemin. L’exposition d’un corps est choquante pour la population. La tradition orale de l’époque s’emballe et l’histoire de Marie-Josephte sera contée, amplifiée, modifiée de génération en génération. Au fil des années, Marie-Josephte devient une mauvaise femme, une mauvaise mère, une vieille sorcière, serial-marieuse (jusqu’à 7 maris dans certaines histoires) et serial-empoisonneuse de maris.
En 1850, la cage est retrouvée et exposée. Voilà la légende relancée ! La cage voyagera entre 1851 et 1899, de Saint Joseph de Leug à Salem en passant par Québec, Montréal, New-York et Boston.
Les auteurs de l’époque contribueront aussi à l’émergence de cette légende en fabulant des histoires à faire peur…
On ne parle plus de Marie-Josephte mais de La Corriveau. Comme le dit Catherine Ferland :
De personne à personnage.
La Corriveau – La réhabilitation
- Il faut attendre 1947 pour redécouvrir le procès de l’époque et rétablir les faits.
- Dans les années 1960, il y a un regain d’intérêt pour la légende mais aussi pour l’histoire vraie. Marie-Josephte Corriveau est érigée en figure féministe.
- Dans les années 1970, ce sont les artistes qui s’emparent de l’histoire pour raconter Marie-Josephte Corriveau en chanson, en roman, en pièce de théâtre, etc.
- En 1990, ce sont des étudiants en droit qui vont refaire le procès de Marie-Josephte Corriveau et la déclarent non coupable.
Pour conclure
Marie-Josephte Corriveau appartient maintenant au patrimoine culturel du Québec. La cage a été rendue au Québec et est maintenant exposée au Centre de conservation de Québec.
Cependant, la légende perdure… Je n’ai rien trouvé sur internet, mais d’après l’historienne Catherine Ferland, il paraît qu’au croisement des chemins à Pointe-Lévy à l’endroit où la cage était exposée, un immeuble a été construit. On dit que les habitants n’y restent jamais très longtemps…
À lire aussi
- Pour en apprendre plus sur La Corriveau : La Corriveau, de l’histoire à la légende, de Catherine Ferland et Dave Corriveau
- Pour découvrir l’histoire de La Voisin : La chambre des diablesses, de Isabelle Duquesnoy
Tous les mois le musée de Pointe-à-Callière propose des conférences payantes sur la thématique de l’exposition en cours. Je ne peux que vous recommander d’y assister. Les conférences sont toujours intéressantes. Elles coûtent 8$. Et si comme moi vous êtes membre du musée vous pouvez obtenir 50% de rabais ! J’ai hâte d’assister à la conférence du mois prochain “Lilith : Sorcière et symbole féministe”.